Une fin d'année en fanfare
Il y a des films que l'on est impatients de partager avec vous. C’est le cas de nos deux coups de cœur du mois de décembre : LA VISITE DE LA FANFARE et LA GRAINE ET LE MULET.
Qu’ont-ils en commun ces deux films pourtant si différents ? La simplicité de leur propos d’abord. Le premier narre la rencontre inattendue entre une fanfare égyptienne et une poignée d’israéliens désœuvrés. Le second est l’histoire d’un vieil immigré dont le projet est d’ouvrir un restaurant de couscous sur le port de Sète.
Leur réussite à chacun, c’est leur pouvoir de suggestion, la façon subtile qu’ils ont de dire plus de choses sur le réel que la modestie de leur sujet ne le laisse penser.
LA VISITE DE LA FANFARE, en installant un véritable terrain de jeu sur un terrain géopolitique miné, montre avec un humour qui fait mouche les points communs entre deux cultures – juive et arabe - invitées à cohabiter et où chacun devra faire un pas vers l’autre dans un élan de solidarité improvisée. La métaphore n’est jamais appuyée, mais le message passe en douce grâce à des personnages vibrant d’humanité et de générosité.
Avec LA GRAINE ET LE MULET, qui aurait pu tout aussi bien se retrouver en une de cette gazette, c’est une autre histoire, une histoire de famille, une histoire de transmission et une histoire d’amour comme on n’en avait vu depuis longtemps au cinéma.
Après LA FAUTE A VOLTAIRE et L’ESQUIVE (César du Meilleur Film en 2005), Abdelatif Kéchiche s’affirme comme l’héritier direct de Pialat, de par sa capacité à tailler des personnages dans le brut de la vie. Entouré d’une troupe d’acteurs exceptionnels qu’il laisse s’exprimer en toute liberté, il nous raconte à sa manière une histoire de l’immigration, en plaçant sa caméra au cœur d’une famille maghrébine soudée autour de Slimane, le patriarche fatigué (bouleversant Habib Boufares).
Comme INDIGENES de Rachid Bouchareb l’année dernière, LA GRAINE ET LE MULET rend justice à ces vieux immigrés venus reconstruire la France et qui terminent pour la plupart leur vie dans des foyers ou des hôtels miteux, usés et oubliés du monde.
Rarement on aura ressenti une empathie aussi forte pour des personnages que durant ce film-fleuve de deux heures trente dont on sort la gorge nouée et terriblement émus, presque épuisés d’avoir vécu une telle aventure humaine.
Parce que nous avions envie de donner à ce film une place particulière et parce que certains projets entrent parfois en résonance, nous avons proposé à Mouss et Hakim, les chanteurs du groupe Zebda qui ont entamé une carrière en duo, de faire un concert autour de leur dernier album ORIGINES CONTROLEES, un répertoire de chansons issues de l’immigration. Ils nous ont fait un joli cadeau en acceptant d’accompagner le film le 14 décembre à l’Atalante pour un concert exceptionnel. Comme ils le rappellent à juste titre, « c’est bien de la France d’aujourd’hui que ces chansons nous parlent. Du creuset qu’elle demeure en dépit de tous les replis». Joyeuses fêtes à tous !
Sylvie Larroque