La situation du cinéma ressemble à un champ de bataille et l’enjeu de cette bataille est le spectateur. Comment faire face à une reprise en main du marché et à la toute puissance des chaînes de télévision rivées sur leur audimat ? Comment résister à cette tendance qui tend à réduire le spectateur à un consommateur fasciné par la marchandise ?
Le temps presse et il est urgent que la puissance publique et l’ensemble des acteurs du cinéma indépendant s’emparent sérieusement de ces questions.
Car il n’y a cinéma que lorsqu’il y a spectateur dans la salle, disait Serge Daney. « Il faut que quelqu’un voie le film, le perçoive et se mette à jouer quelque chose de lui-même
dans ce film ». Dans cet espace commun entre le film et le spectateur, la rencontre devient possible...
C’est dans cet esprit que nous avons conçu la troisième édition des Rencontres sur les Docks qui, cette année, fait la part belle aux documentaires. Un genre particulier qui nous tient à c?ur parce qu’il rend compte de la résistance du monde.
Un programme pour vous inciter à délaisser votre poste de télévision et à prendre des chemins de traverse pour écouter le monde à travers des petites voix d’ici et d’ailleurs,
les voix chaleureuses et dignes des journaliers du Nordeste brésilien, les voix vibrantes des ouvriers de l’usine LIP à Besançon, la voix mythique de Thomas Sankara ou les voix brisées des prostituées filmées par Rithy Panh.
Et puis les Rencontres, c’est aussi la volonté de prendre le temps, car à l’Atalante, la place du spectateur, est aussi sur un coin de comptoir à la taverne, pour des discussions à bâtons rompus ou pour se laisser entraîner par les balades jubilatoires de Marc Perrone ou la musique tonitruante du Garazi Philanthropik(e) Orkestra.
Jean-Pierre Saint-Picq
Président de l’association Cinéma&Cultures